Le Lion fables de La Fontaine
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Le Lion fables de La Fontaine
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Le Lion fables de La Fontaine

Le Lion



Sultan Léopard autrefois
Eut, ce dit-on, par mainte aubaine,
Force boeufs dans ses prés, force Cerfs dans ses bois,
Force moutons parmi la plaine.
Il naquit un Lion dans la forêt prochaine.
Après les compliments et d'une et d'autre part,
Comme entre grands il se pratique,
Le Sultan fit venir son Vizir le Renard,
Vieux routier, et bon politique.
Tu crains, ce lui dit-il, Lionceau mon voisin ;
Son père est mort, que peut-il faire ?
Plains plutôt le pauvre orphelin.
Il a chez lui plus d'une affaire,
Et devra beaucoup au destin
S'il garde ce qu'il a, sans tenter de conquête.
Le Renard dit, branlant la tête :
Tels orphelins, Seigneur, ne me font point pitié :
Il faut de celui-ci conserver l'amitié,
Ou s'efforcer de le détruire,
Avant que la griffe et la dent
Lui soit crue, et qu'il soit en état de nous nuire.
N'y perdez pas un seul moment.
J'ai fait son horoscope : il croîtra par la guerre ;
Ce sera le meilleur Lion
Pour ses amis qui soit sur terre :
Tâchez donc d'en être, sinon
Tâchez de l'affaiblir. La harangue fut vaine.
Le Sultan dormait lors ; et dedans son domaine
Chacun dormait aussi, bêtes, gens : tant qu'enfin
Le Lionceau devient vrai Lion. Le tocsin
Sonne aussitôt sur lui, l'alarme se promène
De toutes parts ; et le Vizir,
Consulté là-dessus dit avec un soupir :
Pourquoi l'irritez-vous ? La chose est sans remède.
En vain nous appelons mille gens à notre aide :
Plus ils sont, plus il coûte ; et je ne les tiens bons
Qu'à manger leur part des moutons.
Apaisez le Lion : seul il passe en puissance
Ce monde d'alliés vivants sur notre bien.
Le Lion en a trois qui ne lui coûtent rien,
Son courage, sa force, avec sa vigilance.
Jetez-lui promptement sous la griffe un mouton :
S'il n'en est pas content, jetez-en davantage.
Joignez-y quelque boeuf : choisissez pour ce don
Tout le plus gras du pâturage.
Sauvez le reste ainsi. Ce conseil ne plut pas.
Il en prit mal ; et force états
Voisins du Sultan en pâtirent :
Nul n'y gagna, tous y perdirent.
Quoi que fût ce monde ennemi,
Celui qu'ils craignaient fut le maître.
Proposez-vous d'avoir le Lion pour ami,
Si vous voulez le laisser craître.

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